Le sommeil, une histoire de survie

J’ai hésité quant au titre approprié pour cet article. Le sommeil, une histoire de famille ou Le sommeil, une histoire de survie. Je n’ai pas envie de faire de ce billet une page de lamentation, mais je vais vous donner quelques grandes lignes pour contextualiser pourquoi le sommeil est si central dans ma vie.

Je commence souvent mes conférences en mentionnant que j’ai développé la rééducation myofonctionnelle en contexte d’apnée obstructive du sommeil par amour. Mon conjoint des 15 dernières années en est atteint de manière sévère. J’ai simplement voulu l’aider. Qui me connaît saura que je ne fais rien à moitié et que ma curiosité intellectuelle est sans fin. Vouloir l’aider aura été l’élément déclencheur d’une quête de presqu’une décennie maintenant.

Ce que je ne dis jamais par contre, c’est que le sommeil m’a longtemps échappé. Il n’y a pas que les troubles obstructifs du sommeil, il y a les troubles du sommeil tout court. Ce sont ces derniers qui me menacent.

Syndrome des jambes sans repos, insomnies, terreurs nocturnes.

Je me rappelle qu’à 10 ans, je me tenais la tête à l’envers penchée sur le rebord de mon lit pendant de longues minutes pour induire un étourdissement que je trouvais propice à l’endormissement.

Je me rappelle qu’adolescente, je faisais de l’insomnie de manière chronique et n’étais pas prise au sérieux quand j’en parlais. La croyance étant que tous les enfants dorment bien et suffisamment. Vous savez, Dormir comme un bébé. Un mythe à mettre à côté de L’enfance est la plus belle période de la vie et Tout le monde est nostalgique de son enfance.

Jeune adulte, ce sont les terreurs nocturnes qui se sont ajoutées. Je dis ajouté parce que l’insomnie n’avait pas retiré son emprise sur mes nuits. Oui, les terreurs nocturnes peuvent toucher les adultes. Dans mon cas, c’est suite à un choc post-traumatique que mes cauchemars sont devenus monstrueux. Pour celui qui ne l’a jamais vécu, une terreur nocturne c’est un cauchemar sur le crack. Tu te réveille en sursaut et généralement, tu mets un certain temps à réaliser que tu n’es pas en danger. Comme ton esprit subit les assauts comme s’ils étaient réels, c’est très taxant.

Quand j’ai rencontré mon conjoint, il était lève tôt et moi lève tard. En fait, nous souffrions tous les deux de troubles du sommeil. Dans son cas la ronchopathie (qui est devenue apnée obstructive depuis) était accompagnée d’insomnie de fin de nuit. Une combinaison qui n’a rien de gagnante où la personne n’arrive plus à se rendormir en phase de REM sleep en fin de nuit, soit vers 4hrs du matin environ. Je n’étais pas plus lève tard qu’il était lève tôt. J’avais besoin d’une grande quantité de sommeil parce que je n’avais pas de qualité.

J’ai toujours pu dormir longtemps. Mais ce qui semblait un avantage; qui ne voudrait pas pouvoir dormir 12 hrs de suite? était un symptôme de nuits non réparatrices.

Quand mes nuits se sont améliorées en qualité, j’ai pu atteindre un rythme circadien plus normal. Autour de 9hrs de sommeil. Moins que ça, je ne fonctionne pas optimalement.

Dans la trentaine j’ai commencé à vivre une situation nouvelle pour moi. J’arrivais trop tôt dans les magasins. Je n’avais jamais eu à penser aux heures d’ouvertures de l’épicerie, je me levais plus tard que la moyenne des ours avant. Quand mes nuits se sont raccourcies parce qu’elles étaient meilleures, j’ai commencé à arriver la première à l’épicerie, à penser que c’était férié en ne voyant aucune voiture dans le parking avant de réaliser que ce n’était pas encore ouvert.

Mon conjoint et moi sommes maintenant de ces gens qui boivent un café dans la voiture, stationné devant le magasin en attendant que ce dernier ouvre ses portes. On laisse généralement 1-2 min. aux employés (qui nous dévisagent quand ils arrivent en voiture) pour enlever le système d’alarme et ouvrir les lumières, puis on entre. Ça me fait sourire maintenant. Moi qui me levait à midi dès que l’occasion m’en était donnée, je n’avais pas vu cela venir.

Puis je suis devenue maman. Tous mes gains se sont effondrés à mes pieds comme un château de cartes. Vestiges d’une vie désormais révolue. Certains enfants dorment bien. Certains bébés font leur nuit tôt. Certains bébés s’endorment d’eux-mêmes, siestent le jour et peuvent dormir ailleurs… mais pas les miens.

Pour mon garçon, ça n’allait pas du tout. Pour ma fille, ça été encore pire. Mon conjoint et moi portons les marques de ces nuits difficiles et tentons de récupérer un rythme circadien normal.

De par mes activités professionnelles, je sais quelle importance a le sommeil. Chez nous, la fin de semaine, on dort. Rien n’est plus important à mes yeux que de récupérer et de laisser mon conjoint et mes enfants faire de même. Je vais sans hésitation faire manquer un matin d’école à mon enfant si sa nuit a été difficile.

Avant je croyais qu’il y avait trois piliers à la santé. L’alimentation, l’activité physique et le sommeil. Maintenant je sais. Il y a le sommeil et puis tout le reste. – Matthew Walker*

Comme orthophoniste myofonctionnelle, j’aide les petits et grands à optimiser leurs fonctions orofaciales de sorte à favoriser leur oxygénation et ainsi à augmenter la qualité de leur sommeil. J’applique mes connaissances aux troubles obstructifs du sommeil parce que chaque cellule de mon corps est convaincue du rôle central du sommeil pour la santé et parce que je sais intimement que le manque de sommeil, en quantité ou en qualité, est une forme de torture.

Marie-Emmanuelle Marchand, M. Sc., Orthophoniste qui dort bien. 

*Matthew Walker is a Professor of Neuroscience and Psychology at the University of California, Berkeley, and Founder and Director of the Center for Human Sleep Science