Épidémie de bonhommes de neige

On communique beaucoup avec moi pour toutes sortes de questions en lien avec mon expertise. Ce matin, on m’a envoyé ceci:

Question d’internaute

Bonjour,

Je me permets de vous contacter afin d’avoir une confirmation (ou une infirmation) d’une observation.
J’ai noté ces 30 dernières années une forte augmentation des problèmes d’élocution chez les adultes (qui ont donc conservé leur problème depuis l’enfance).
Est-ce une illusion due au fait que la multiplication des moyens de communication a simplement démultiplié les prises de parole et permet a infiniment plus de personnes de s’exprimer (parmi lesquelles les personnes qui zézayent) ?
Ou bien est-ce réellement le cas ?
(le nombre d’adultes ayant des défauts d’élocution a explosé)
La question est intéressante et sa réponse est complexe. Comme cela me semble d’intérêt public, j’ai pensé retranscrire ici mes réflexions à ce sujet.

La dysévolution

Il y a dysévolution (notre race évolue pour le pire). Les mâchoires et les voies aériennes sont de plus en plus petites en raison de nos choix de société (manger de plus en plus mou entre autres). Ce phénomène augmente donc les troubles obstructifs du sommeil, mais également le manque de place dans la cavité orale pour la langue et les dents. D’autres facteurs sont en jeu, mais oui, il y a de plus en plus de troubles myofonctionnels. Comme le sigmatisme (zozotement) en fait partie, cela pourrait expliquer votre impression.
J’ajouterais que si votre impression est que les problèmes d’élocution (sigmatisme) empirent spécifiquement chez les adultes, c’est peut-être que leur trouble myofonctionnel, non adressé, empire avec les années. Je m’explique.
Si je ventile par la bouche, mastique peu et avale en poussant vers l’avant, j’aurai un déséquilibre musculaire affectant ces fonctions et d’autres (patron de respiration, posture, …). Avec les années, le déséquilibre se creuse. Les muscles sous-sollicités sont de plus en plus faibles et les muscles sur-sollicités de plus en plus tendus. Le trouble devient plus  »apparent » aux yeux de la société. Toutefois, lorsqu’on se spécialise en myofonctionnel, comme le font une partie des orthophonistes, on peut voir le trouble myofonctionnel  »naître ».

Séquence

Le trouble myofonctionnel, c’est comme un bonhomme de neige. Ça commence par un nez bouché, un enfant qui ne sait pas souffler par son nez donc a toujours le nez obstrué, il développe l’habitude de ventiler par la bouche, ça fait ouvrir et glisser la mandibule (mâchoire du bas) vers l’avant. La langue suit la mandibule et glisse elle aussi vers l’avant et passe par-dessus l’arcade des dents. Alors, le cerveau inhibe le réflexe de mastication (parce qu’il ne faudrait pas mastiquer notre langue quand même!). L’enfant ne développe donc pas un patron de mastication optimal (on a besoin de ce réflexe pour y parvenir naturellement), ce qui le rend moins habile à mastiquer. Il se met à être sélectif à table parce qu’il privilégie les textures qu’il peut réduire en purée.
Vous voyez que d’un simple flocon, on est rendu à une boule? C’est comme ça toute la vie. Ça fait littéralement boule de neige. Ça grossit, les implications et conséquences se multiplient. Le dentiste parle d’un manque de place, le chx dentiste arrache des dents, on pose un élargisseur du palais, l’enfant dort la bouche ouverte et a une respiration bruyante. à l’adolescence c’est un léger ronflement, il fait des sinusites à répétition à l’âge adulte parce que comme sa langue était au plancher buccal durant la période où son palais était encore mobile, son palais et donc ses fosses nasales ne se sont pas développées, tout est trop petit et ce qui est petit bloque plus facilement.

Réflexion s.v.p.

Comme société, on a une réflexion à faire pour arrêter cette épidémie de bonhommes de neige. Ou alors, l’orthodontie devrait être cotée en bourse et personnellement, j’achèterais des actions parce que plus ça va, plus on a besoin de corriger les conséquences esthétiques et fonctionnelles (orthodontie) du trouble myofonctionnel. Qu’est-ce que fait l’orthophoniste spécialisé en myofonctionnel? Il ou elle corrige la cause. Enraye le problème, qu’on soit rendu à une boule ou trois.

Et vous, êtes-vous un bonhomme de neige?

Marie-Emmanuelle Marchand, M. Sc., Orthophoniste

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2 Comments

  • Marie-Claude jacques on 14 janvier 2024

    Bonjour,

    De fil en aiguille, en cherchant pourquoi je dormais si mal depuis que j’avais eu la première fois la COVID l’an passé, je suis tombée sur le trouble myofonctionnel et puis, oh miracle ! C’est là que j’ai découvert votre site ! Depuis, je dévore article après article. Ce trouble, c’est l’histoire de ma vie – et j’ai 44 ans !!! Les symptômes que vous décrivez, étaient « sous contrôle » depuis d’aussi loin que je me rappelle, mais suite à ma première COVID, ils ont été exacerbés pour devenir intolérables. Jamais, dans TOUS les rendez-vous avec TOUS les professionnels (médecin, dentiste, chiro, pharmacien), on ne m’a parlé de ce trouble qui pouvait être à l’origine de mes problèmes de sommeil, de ma sensibilité des voix respiratoires (à attraper tout plein de rhume et de sinusites), de ma propension à m’étouffer quand je mange, de mon essoufflement quand je parle, de ma sécheresse buccale, de mes problèmes de gingivites et de gencive rouge. Non à la place, on m’a prescrit des somnifères pour mes problèmes de sommeil, des pompes de cortisol, du décongestionnant pour le nez, des advil rhume et grippe pour mes rhumes et sinusites, des trucs au xylitol pour hydrater ma bouche, du dentifrice avec davantage de fluor pour protéger mes dents des caries ,… J’ai une pharmacie complète à côté de mon lit, juste pour essayer de gérer les symptômes. Et même avec tout ça, malheureusement, le résultat « très bof »… Je réalise que jamais on n’a tenté de trouver la fameuse cause, pour attaquer le problème directement à la source… Donc maintenant que je pense avoir trouvé cette fameuse cause (car pour vrai, je ne vois pas ce que ça pourrait être d’autre…), je me demande à quelle porte cogner – à Québec – pour m’aider à apprendre à respirer par le nez.

    • Marie-Emmanuelle Marchand on 15 janvier 2024

      Oh ma chère! C’est tellement vrai ce que vous décrivez. De tout coeur avec vous. Malheureusement, le trouble myofonctionnel est peu connu des prof. de la santé. Ils sont bien intentionnés et compétents, ils ne sont juste souvent pas au courant. Souvent, lorsque j’évalue une personne et envoi son rapport d’évaluation à son médecin, ce dernier me contacte, et de beaux échanges s’en suivent. Il m’est arrivé d’avoir ensuite le médecin comme client. J’ai développé un mode d’intervention hybride me permettant de suivre des gens de l’extérieur de ma région vous pourriez donc vous mettre sur ma liste d’attente. Aussi, inscrivez-vous à mon infolettre parce que j’offre occasionnellement des ateliers pour ronfleurs permettant de débuter le travail de manière autonome. À bientôt j’espère!

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