La gymnastique faciale – revue de livre

À la demande d’une cliente, j’ai lu La gymnastique facile – La méthode pour garder un beau visage au naturel de Catherine Pez. Apparemment un best-seller dont la 4^e édition, aux Éditions de l’homme était disponible à la bibliothèque.

Ce que j’ai aimé

1. Les planches anatomiques claires et la bonne nomenclature des muscles.
2. Le livre est rédigé dans un langage accessible et les exercices bien représentés par les images pleines page du visage bien symétrique et tonique du mannequin.
3. Excellent choix de mannequin d’ailleurs. Les exercices myofonctionnels qu’elle exécute témoignent à eux seuls qu’elle n’a pas de trouble myfonctionnel (trouble touchant les fonctions de respiration, parole, mastication, déglutition).
4. Travailler le platysma (p. 78) pour améliorer l’aspect visuel du cou me semble une intéressante idée (avis personnel, non orthophonique).
5. Travailler l’orbiculaire des lèvres les fera en effet gonfler, les rendant à la longue plus pulpeuses.
6. Travailler l’orbicularis des yeux pour dégonfler et raffermir les paupières inférieures devrait fonctionner puisqu’il augmente la circulation sanguine dans cette région autrement peu sollicitée (p.128) (avis personnel, non orthophonique).
7. Les massages à la fin du livre sont intéressants également. Ils permettront certainement un drainage lymphatique et une activation de la circulation sanguine. Je me note de les essayer avant de rapporter le livre à la bibliothèque (avis personnel, non orthophonique).
8. J’ai aimé apprendre que le toucher stimule le travail des fibroblastes, véritables usines à collagène et à élastine. Je vais appliquer ma crème de soin avec plus de zèle en m’attardant aux gestes, maintenant.

Ce qui m’a déplu

1. Déjà, je trouve intriguant qu’on prescrive des exercices oro-faciaux selon la forme du visage. Les dites formes sont ovale, rond, carré, long, triangle et triangle inversé. Nous avons tous les mêmes muscles et la forme du visage n’est pas le reflet direct d’hypotonicités, il y a également des désordres cranio-faciaux (ex. : étroitesse du palais/maxillaire) et des conséquences de soins orthodontiques (ex. : extraction des prémolaires) qui viendront modifier la forme du visage.
2. En plus de prescrire certains exercices elle en proscrit d’autres selon l’aspect général du contour de notre visage… C’est questionnant. Une personne au visage rond peut-elle avoir besoin de travailler les zygomatiques? Je répondrais oui, surtout si la préparation de la bouchée n’est pas optimale (mastication) et le scellement labial inconstant (les lèvres entrouvrent durant la mastication). Mais selon elle, une personne au visage rond devrait faire attention à ne pas trop travailler les zygomatiques et une personne au visage en triangle devrait s’abstenir! À mon avis d’orthophoniste, c’est la fonction qui dicte les muscles à travailler (et les fonctions à rééduquer), pas la forme du contour du visage.
3. Elle dit qu’un effort de contraction cherchera à étirer les fibres musculaires au maximum. Or, lorsqu’on contracte, on n’étire en rien, au contraire, on contracte, rapprochant ainsi les fibres musculaires. Déjà, un principe qui part à l’eau à peine l’ouvrage commencé.
4. Je passerai sous silence, ou presque, qu’elle attribue des traits de personnalité aux formes de visage. Que les gens au visage long soient davantage timides et que ceux au visage en triangle soient charmants me dépasse.
5. Finalement, plusieurs erreurs me font douter soit des compétences de l’autrice, soit des miennes. Je dois vous avouer que je doute des deux à ce point!

• • L’exercice pour l’orbiculaire qu’elle propose fait davantage travailler le buccinateur (p.96)
  • L’exercice pour le digastrique travaille le génioglosse (p.86)
  • L’exercice pour le zygomatique fait travailler les muscles extrinsèques de la langue et aucunement les zygomatiques, quelle ne départage d’ailleurs pas entre petit et grand (p.106)
  • En page 112, elle parle du buccinateur. Un muscle bien connu des orthophonistes parce que nécessaire pour la mastication, la déglutition et la parole. Elle recommande de gonfler les joues pour faire travailler le muscle… mais gonfler étire les fibres du muscle buccinateur, ne le fait pas travailler. Puis dans l’exercice pris en photo, on voit bien qu’elle contracte l’orbicularis des lèvres et le mentalis et non pas le buccinateur. De plus, l’orbicularis est un muscle antagoniste au buccinateur. Un travail sur le premier empêchera le second de s’activer. Cela ne fait aucun sens! Je me dis que peut-être l’autre joue sollicite le buccinateur, celle qui n’est pas gonflée, durant l’exercice. Mais en admettant que ce soit là son objectif, il y a plus direct pour faire travailler ce muscle, comme d’insérer un doigt dans la joue opposée et d’offrir une contre résistance.
  • Elle recommande de travailler les masséters pour raffermir les joues. Les masséters sont hypertoniques chez la grande majorité des gens, du moins, que je croise dans ma pratique. Un tel exercice encouragerait la problématique. Aussi, si le visage est long, les pommettes manquent de hauteur et le palais est étroit. C’est un profil qu’on voit beaucoup chez les respirateurs buccaux. Le travaille des masséters ne corrigera pas ça! Et les dysfonctions de l’articulation temporo-mandibulaire? Et le bruxisme? S’ils sont présents, cet exercice est tout-à-fait contre-indiqué.

(Liste non-exhaustive, je n’ai pas révisé chaque exercice pour en faire la critique ici).

Mon avis d’orthophoniste

Comme principe de base, la gymnastique faciale ne devrait pas être nécessaire si vous mastiquez, déglutissez, respirez et parlez comme il devrait. Ces fonctions à elles seules sont suffisantes pour maintenir un bon tonus. Là où elle devient intéressante, c’est quand ces fonctions sont touchées. Alors là, oui, les muscles devraient être travaillés. Mais travaillez-les sans rééduquer la fonction qui a causé le désordre au départ, et vous continuerez de ramer, c’est-à-dire devoir faire ces exercices pour en maintenir les résultats

Je comprends que l’esthétisme est un bon argument de vente, mais comme elle ne fait aucun liens avec les fonctions, troubles ou désordres des régions qu’elle dit travailler et comme les principes (étirer ne tonifie pas) et les exercices parfois ciblent mal les muscles, je reste perplexe.

Ce livre, me semble-t-il, priorise l’esthétisme à la fonction ou du moins ne les mets pas en relation ce que je trouve désolant. Le même livre, s’il était bonifié du regard/point de vue fonctionnel de l’orthophoniste serait non seulement plus fondé scientifiquement, mais plus aidant.

Je me réserve tout-de-même le droit de me masser le visage pour le plaisir, de préférance dans une salle de bain calme dénuée d’enfants.

Marie-Emmanuelle Marchand, M. Sc., Orthophonise