Cette phrase pourrait avoir été prononcée par un enfant, mais elle l’a été par une adulte dans mon bureau récemment. Déjà au téléphone, les signes étaient là. Lors de notre première rencontre, quelques tâches ont suffi pour confirmer le trouble. Cette dame présentait une forme rare de bégaiement appelé bredouillement ou cluttering en anglais. Entendons-nous, le bégaiement est déjà un trouble rare dans la population. Imaginez alors le bredouillement. Cela dit, je suspecte que ce trouble est plus fréquent qu’il n’y parait statistiquement uniquement parce qu’il est peu reconnu et donc diagnostiqué. Pour remédier à ce manque de connaissance et pour donner espoir à ceux et celles qui présentent ce trouble, voici mon billet sur le bredouillement.
En de simples mots, le bredouillement c’est lorsqu’une personne accélère le débit de parole par moment, »avale » certaines syllabes de mots, répète des parties de mots ou des mots complets et recommence ses phrases mal parties avec une certaine mollesse. C’est l’exemple même de la réprobation maternelle: Articule quand tu parles! Or, ce n’est pas une question d’articulation et ces gens en sont généralement inconscient donc rien ne sert de leur dire pareille affaire.
Le bredouillement c’est un mélange de problèmes qui, mis en commun donnent l’impression d’un discours qui manque de clarté.
Ces problèmes sont:
- 1- Des difficultés de langage entrainant des révisions de phrases, de la difficulté à sélectionner les éléments pertinents, à formuler des phrases complexes qui se tiennent (grammatiques). Des difficultés à »lire » sur le visage de son interlocuteur lorsque notre message n’est pas compris, lorsqu’on n’est pas clair. Une difficulté à trouver comment changer son message pour qu’il soit mieux compris, un manque de flexibilité et d’habiletés quant au langage et à son usage en général.
- 2- Un bégaiement sous-jacent. Des répétitions de mots ou de parties de mots, des hésitations, des blocages, des allongements. Et comme si ce n’était pas suffisant, le bégaiement est très sensible aux émotions donc le stress, parler en public, la fatigue, la colère sont tous des amplificateurs.
- 3- Une tendance à varier le débit (vitesse) de parole durant une phrase, à ne pas inspirer aux endroits propices, à ne pas prononcer toutes les syllabes d’un mot long ou complexe, à »s’enfarger dans sa bouche » sans le réaliser.
En thérapie, l’orthophoniste amène le client à réaliser ce qu’il se passe, à identifier les moments où le débit accélère et à le ramener. Il amène également le client à comprendre ce qui se passe, ce qu’est le trouble et à le contrôler mieux. Il lui enseigne à reconnaitre ses moments de bégaiements et des stratégies concrètes pour en sortir. Il travaille avec lui à identifier les situations problématiques et à les travailler selon un ordre croissant. Il travaille également à développer le langage du client pour le rendre plus habile et flexible en discours notamment. En lui donnant les outils et en l’accompagnant, le thérapeute permet au client de mieux contrôler ce qu’il se passe et surtout de ne pas se sentir démuni.
Cela dit, comme mentionné à la dame dont je vous parlais plus haut. À l’âge adulte, un bégaiement ou un bredouillement ne disparaitra pas. Il va diminuer de fréquence, de sévérité, d’intensité. Il va être mieux accepté et contrôlé grâce à la thérapie, mais ne disparaitra pas. C’est le propre de ce genre de trouble… il est résistant. Mais que cela ne vous décourage pas d’aller chercher de l’aide. Les gains sont bien réels et pour certains font la différence dans leur vie personnelle et professionnelle.
Si votre bredouillement vous gêne pour la promotion que vous visez, ou pour demander votre conjoint(e) en mariage, je vous en prie, appelez!
Marie-Emmanuelle Marchand, M. Sc., Orthophoniste
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