L’histoire de la thérapie myofonctionnelle orofaciale en orthophonie

Je (ne) savais pas que les orthophonistes faisaient ça! Dans ma tête un orthophoniste c’est pour les enfants qui (ne) parlent pas assez. Pour tous ceux qui ne savaient pas, mais pour mes collègues aussi, parce qu’on ne nous enseignait pas l’historique quand j’étais à la maîtrise, voici l’histoire résumée de la thérapie myofonctionnelle en orthophonie.

Farrell et Darcy (2018) et Wishney et al. (2019), dans leurs critiques, discutent de la création de la TMO il y a plus de 100 ans par Alfred Rogers, qui était un étudiant de l’orthodontiste influent Edward Angle au début des années 1900. C’est Angle qui a suggéré qu’il y avait une origine myofonctionnelle aux malocclusions dentaires et que la restauration des muscles conduirait à une fonction orofaciale normale (Farrell & Darcy, 2018 ; Wishney et al., 2019).

L’utilisation de la thérapie myofonctionnelle orofaciale (TMO) dans le traitement orthodontique remonte au début au milieu des années 1900 (Farrell & Darcy, 2018). Depuis ce temps, la TMO a démontré des améliorations dans les structures et fonctions du visage, y compris la croissance mandibulaire, les dysfonctionnements de la langue, la déglutition infantile, la respiration et l’apparence du visage (Camacho et al., 2015 ; Wishney et al., 2019).

L’orthodontiste Walter Straub dans les années 1950 a introduit l’utilisation de la TMO en déglutition. Straub aurait embauché des orthophonistes pour traiter les patients avec dysphagie, focalisant le traitement sur la fonction des muscles de la bouche et du visage (Sinclair & Bell, s.d.).

À la fin des années 1980, l’American Speech and Hearing Association (ASHA) publie un document soutenant l’efficacité de la TMO dans le traitement des dysfonctionnements orofaciaux vu l’abondance de preuves scientifiques arrivant à cette conclusion. Leur document mentionnait spécifiquement que la TMO fait partie du champ de pratique de l’orthophoniste. L’Ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec (OOAQ) n’a cependant pas encore réservé l’acte, ce qui explique que des hygiénistes dentaires offrent ce service sans formation sur les dysfonctionnements et la rééducation des fonctions de respiration, déglutition, parole et mastication.

Plus récemment, la résurgence et l’utilisation de la TMO dans le monde a fait l’objet de discussions dans diverses disciplines de soins de santé, y compris la dentisterie, les hygiénistes dentaires, les orthophonistes, les consultants en allaitement et les oto-rhino-laryngologistes, pour gérer la respiration buccale, les troubles respiratoires du sommeil, les malocclusions et la dysphagie (Sinclair et Bell, s.d.; Wijey, 2018).  Chez les enfants, l’impact de problèmes tels que la faiblesse du muscle des lèvres (orbicularis) et une mauvaise position de repos de la langue (au plancher buccal plutôt qu’au palais) ont été signalés comme ayant un impact sur la forme de la cavité buccale et celle des voies respiratoires et de leur développement (Moeller et al., 2014 ; Suzuki et al., 2013).

Ces déficits peuvent affecter les processus de mastication et de déglutition par une mauvaise formation et un mauvais positionnement du bolus (bouchée), un déversement prématuré, des écoulements dans le pharynx, des difficultés avec le transit du bolus et la persistance de résidus (buccaux, pharyngés) après ingestion (Ibrahim et al., 2013), des difficultés respiratoires, y compris respiration buccale, les ronflements, et l’apnée obstructive du sommeil (Huang et al., 2018). L’utilisation de la TMO offerte par une orthophoniste permet d’aider à fournir la base pour améliorer ces fonctions (Homem et al., 2014 ; Wishney et al., 2019).

En conclusion, oui, je rééduque la langue. Je travaille de concert avec les dentistes et orthodontistes (j’aimerais travailler davantage avec les ORL et les chirurgiens maxillo-faciaux) avant qu’ils ne posent des bagues (broches) ou après, quand le traitement a échoué et que la langue a à nouveau déplacé les dents. Cela dit, je fais bien plus.

J’aide ceux qui s’étouffent en mangeant, ont toujours mal au ventre après un repas, ronflent ou ont une respiration bruyante en dormant. Ceux qui se sont fait enlever les végétations/amygdales mais qui ont encore des nuits agitées, ceux qui prendraient toujours plus d’heures de sommeil, ceux qui manquent de place dans leur bouche, ceux qui bavent ou semblent avoir trop de salive dans leur bouche, ceux dont la mâchoire craque à l’ouverture et finalement ceux qui font de l’apnée obstructive du sommeil.

 

Marie-Emmanuelle Marchand, M.Sc., Orthophoniste

www.monorthophoniste.com

info@monorthophoniste.com

 

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