L’otite séromuqueuse (OSM) est une pathologie très fréquente chez les enfants. Elle est caractérisée par l’existence d’une accumulation de liquide derrière les tympans ou en termes scientifiques collection liquidienne rétrotympanique. Selon les données actuelles, 90% des enfants de 0-7 ans en auront au moins une. Dans mon bureau, il est fréquent que je vois des enfants qui en ont 3-4/an, voire davantage.
Le premier facteur favorisant est une mauvaise aération (des cavités) de l’oreille moyenne par dysfonction tubaire. Cette dysfonction est fréquente chez le jeune enfant parce que la trompe d’Eustache est plus courte et béante donc plus propice à l’entrée des microbes. Elle peut également être causée par une hypertrophie adénoidienne (de grosses bosses derrière le nez qui gêne l’arrivée de l’air). C’est pourquoi cette pathologie diminue avec l’âge. Chez l’adulte, une faiblesse des muscles du voile du palais entraîne une dysfonction tubaire parce que la trompe est moins ouverte (ce sont les muscles du voile qui sont responsables de garder le l’arrivée de la trompe d’Eustache ouverte).
L’origine des OSM est complexe et multiple, mais un fait est certain : la dysfonction tubaire est un facteur favorisant majeur et traiter ce dysfonctionnement par une rééducation ciblée en réduit les effets. Il s’agit ici d’une équipe de deux professionnels de la santé : le médecin oto-rhino-laryngologiste et l’orthophoniste.
L’ORL peut proposer une adénoidectomie (enlever les adénoides), et/ou une amygdalectomie (enlever les amygdales) ou encore une pose de tube(s) transtympanique(s) qui constituent de petits tubes insérés dans une ouverture pratiquée dans le ou les tympans pour que s’écoule mécaniquement le liquide. Le corps répare alors naturellement le tympan perforé et le tube se trouve éjecté.
L’orthophoniste, quant à elle, donne des exercices tubaires (trompe d’Eustache) à faire et c’est cette gymnastique tubaire associée au traitement médical de l’ORL qui donne les meilleurs résultats. Cette gymnastique tubaire est en fait une thérapie fonctionnelle de la trompe d’Eustache et a l’avantage de travailler à la source de l’affection plutôt que d’en contrôler les symptômes.
En agissant sur la cause, la rééducation tubaire peut être définitive (prévient d’autres otites). C’est un domaine très méconnu de l’orthophonie, bien plus investis du côté Français qu’ici.
Les objectifs de la thérapie fonctionnelle de la trompe d’Eustache sont :
- Éliminer ou drainer les sécrétions tant normales que pathologiques et les déchets (cellules desquamées = cellules mortes qui tombent) de l’oreille moyenne vers le rhinopharynx (arrière du nez);
- Protéger l’oreille moyenne en permettant la fermeture de la trompe (une trompe qui fonctionne bien peut s’ouvrir et se fermer);
Pour rééduquer la trompe d’Eustache, il faudra développer un patron de respiration nasal. De fait beaucoup d’enfants présentant des OSM respirent plutôt par la bouche. Une bonne oxygénation du nez rend ses muqueuses plus résistantes aux agressions, empêche la stagnation des microbes et contribue, par l’intermédiaire de la trompe, à aérer l’oreille moyenne.
Les conséquences d’une respiration buccale sont nombreuses : respirer par la bouche entraîne un déséquilibre dentomaxillaire, un espace libre excessif (espace entre les dents arrières), une hyperextension de la tête (la tête avancée avec l’impression d’un cou long), une position linguale basse (la langue à terre dans la bouche) et antérieure, des hypotonies (faiblesses) des muscles du tiers inférieur du visage…
Beaucoup d’enfants qui souffrent d’une OSM présentent également une hypotonie du voile avec nasonnement (sons sont produits avec de l’air dans le nez ce qui change la sonorité de la parole), des problèmes de ronflements/de sommeil moins réparateur (ex. : a besoin de 10hrs de sommeil et il est quand même difficile à lever le matin) et en conséquence de difficultés d’attention pouvant mener au TDAH. Ça a l’air surprenant écrit comme ça, mais tout ceci est documenté, prouvé scientifiquement maintes et maintes fois. C’est le public, vous, qui l’ignore.
Autre point d’importance, les OSM, parce qu’elles constituent une pression (le liquide pousse et s’accumule) derrière le tympan, occasionne temporairement une perte auditive de conduction. En clair, les enfants, pendant leur otite séromuqueuse entendent moins bien. Les sons doivent être de plus en plus forts pour être perçus/entendus par eux. Un principe de base en orthophonie c’est qu’un enfant doit entendre pour parler. Le langage des enfants qui font des OSM à répétition accuse donc parfois des retards qu’on nomme difficultés langagières. C’est pourquoi, au tout début de ce billet, je vous disais que dans mon bureau, les enfants présentant des OSM à répétition sont surreprésentés (il y en a plus que dans la population générale).
Bon, j’ai l’air de vouloir vous faire peur. Loin de moi cette idée. Comme parent, j’aimerais qu’on me dise tout ça. Comme orthophoniste, je suis stupéfaite qu’on ne connaisse pas davantage nos services dans la population. Ça me semble si important! J’avoue toutefois que je suis loin d’être objective.
Allez! Bonne réflexion.
Marie-Emmanuelle Marchand, M. Sc., Orhophoniste
Article largement inspiré de l’ouvrage : Estienne, Linden, Deggouj et Derue (2015). Incompétences vélo-pharyngées, dysfonctionnements tubaires, troubles articulatoires. Éditions le monde du verbe.
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