Mon enfant fait (encore) pipi au lit!

Énurésie nocturne et apnée obstructive du sommeil : un lien à ne pas sous-estimer

Faire pipi au lit est une étape normale du développement chez les jeunes enfants. Jusqu’à l’âge de 5 ans, l’énurésie nocturne est considérée comme physiologique, car le contrôle vésical nocturne n’est pas encore totalement acquis. Toutefois, si les accidents persistent au-delà de cet âge, il est pertinent de se poser des questions et d’explorer les causes possibles.

Garçons vs Filles : qui est le plus concerné ?

L’énurésie touche davantage les garçons que les filles. En effet, environ 15 % des enfants de 5 ans présentent encore de l’énurésie nocturne, avec une prévalence plus élevée chez les garçons. Cette différence pourrait s’expliquer par un développement plus tardif du contrôle vésical chez eux, mais aussi par des facteurs hormonaux et neurologiques.

Les mécanismes physiopathologiques du lien entre énurésie et AOS

Plusieurs mécanismes physiopathologiques expliquent pourquoi les enfants souffrant d’AOS sont plus enclins à l’énurésie nocturne.

1. Un déséquilibre hormonal impactant la production d’urine

Normalement, la nuit, l’organisme sécrète une hormone antidiurétique (ADH ou vasopressine), qui réduit la production d’urine. Chez les enfants souffrant de TOS, les micro-éveils répétés et le stress physiologique perturbent cette sécrétion hormonale. Résultat : une production excessive d’urine pendant la nuit, augmentant le risque d’énurésie.

2. Une pression intra-abdominale accrue

Les efforts respiratoires intenses dus à l’obstruction des voies aériennes augmentent la pression intra-thoracique et intra-abdominale. Cette pression accrue peut exercer un effet mécanique sur la vessie, rendant plus difficile le contrôle urinaire nocturne.

3. Une hyperactivation du système nerveux sympathique

L’AOS provoque une activation excessive du système nerveux sympathique, ce qui peut altérer le contrôle de la vessie et stimuler une production accrue d’urine. Cette stimulation excessive du système nerveux peut aussi contribuer à un sommeil plus agitatif et à une fragmentation du repos nocturne.

4. Une fragmentation du sommeil et des troubles de l’éveil

Les enfants souffrant d’AOS présentent un sommeil fragmenté et de mauvaise qualité. Leur capacité à se réveiller en cas de besoin d’uriner peut être altérée. Certains enfants atteints d’énurésie ont aussi une diminution de la perception du besoin urinaire pendant la nuit, augmentant le risque de fuites nocturnes.

Preuves cliniques et impact du traitement

Des études cliniques ont mis en évidence une prévalence accrue de l’énurésie chez les enfants souffrant d’AOS. De façon intéressante, le traitement des troubles obstructifs du sommeil peut améliorer voire éliminer l’énurésie nocturne.

L’adéno-amygdalectomie, qui consiste à retirer les amygdales et/ou les végétations adénoïdiennes hypertrophiées, est le traitement de référence des TOS chez l’enfant et encore plus efficace lorsqu’additionné à la thérapie myofonctionnelle (Guilleminault et al., 2007 et 2013). Plusieurs études ont montré que l’énurésie s’améliore ou disparaît dans les mois suivant cette intervention chirurgicale (Weider, D. J., & Sateia, M. J., 1999;  Kawashima, R., Akita, Y., Hoshino, Y., Minami, I., & Suzuki, H., 2001;  Basha, S., Bialowas, C., Ende, K., & Szeremeta, W., 2005).

Conclusion

L’énurésie nocturne et les troubles obstructifs du sommeil partagent des mécanismes communs qui méritent d’être pris en compte. Chez un enfant présentant une énurésie persistante, surtout si elle est accompagnée de signes évocateurs de TOS (ronflements, pauses respiratoires, agitation nocturne, somnolence diurne, etc.), une évaluation des voies respiratoires supérieures et du sommeil devrait être envisagée. Un diagnostic précoce et une prise en charge adaptée peuvent non seulement améliorer la qualité du sommeil de l’enfant, mais aussi réduire significativement les épisodes d’énurésie nocturne.

De plus, l’énurésie persistante peut être un indicateur d’un trouble myofonctionnel sous-jacent, souvent associé aux troubles obstructifs du sommeil. Une évaluation orthophonique spécialisée permet d’identifier d’éventuelles dysfonctions orofaciales affectant entre autres la respiration, la déglutition et la posture linguale, qui influencent le développement des voies aériennes supérieures. La rééducation des fonctions orofaciales joue un rôle clé dans l’amélioration de la respiration et peut ainsi contribuer à une meilleure continence nocturne. En intégrant ces éléments dans une approche globale, il est possible d’offrir aux enfants une prise en charge complète et efficace de leurs difficultés nocturnes.

Marie-Emmanuelle Marchand, M. Sc., Orthophoniste

 

Références

  • Guilleminault, C., Huseni, S., & Lo, L. (2007). Adenotonsillectomy and obstructive sleep apnea in children: A prospective survey. Sleep, 30(7), 953–957.

    Guilleminault, C., Huang, Y. S., Monteyrol, P. J., Sato, R., Quo, S., & Lin, C. H. (2013). Critical role of myofascial reeducation in pediatric sleep-disordered breathing. Sleep Medicine, 14(6), 518–525. https://doi.org/10.1016/j.sleep.2013.01.013

  •  

    Société canadienne de pédiatrie. (2023). L’évaluation et la prise en charge de l’énurésie en pédiatrie générale. Récupéré de cps.ca

  • Bernard-Bonnin, A.-C. (2008). Les hauts et les bas de l’énurésie nocturne. Le Médecin du Québec, 43(11), 73-77.
  • Ameli.fr. (2024). Reconnaître l’énurésie nocturne de l’enfant. Récupéré de ameli.fr
  • MSD Manuals. (2024). Apnée obstructive du sommeil chez l’enfant. Récupéré de msdmanuals.com
  • Fréquence Médicale. (2024). L’énurésie nocturne est plus fréquente chez les enfants souffrant d’apnée du sommeil. Récupéré de frequencemedicale.com
  • Weider, D. J., & Sateia, M. J. (1999). Enuresis, obstructive sleep apnea, and adenotonsillectomy. Chest, 115(6), 1701-1704.
  • Kawashima, R., Akita, Y., Hoshino, Y., Minami, I., & Suzuki, H. (2001). Obstructive sleep apnea syndrome and enuresis nocturna. Pediatrics International, 43(6), 641-643.
  • Basha, S., Bialowas, C., Ende, K., & Szeremeta, W. (2005). Effect of adenotonsillectomy on enuresis in children with obstructive sleep apnea syndrome. The Laryngoscope, 115(6), 1101-1103.

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