Quand le corps fait domino : urètre, bassin, diaphragme et apnée, tout est lié !

Quand le corps fait domino : urètre, bassin, diaphragme et apnée !

Imaginez un château de cartes : vous retirez celle du bas, et tout s’écroule. Eh bien, dans notre corps, le plancher pelvien, le bassin, le diaphragme et les voies respiratoires fonctionnent un peu comme ce château. Sauf qu’ici, les cartes sont faites de muscles, de fascias et de pressions internes. Et quand l’un d’eux flanche, les autres réagissent. Bienvenue dans l’univers passionnant (et un peu négligé) de l’équilibre posturo respiratoire.


Acte 1 : L’urètre, le plancher pelvien et la gravité

Quand on parle de descente de l’urètre ou de troubles du plancher pelvien, on pense souvent à l’après-grossesse ou au vieillissement. Mais ce n’est que la partie émergée de l’iceberg.

Le plancher pelvien est un ensemble de muscles, de ligaments et de fascias qui soutient les organes abdominopelviens (vessie, rectum, utérus). Il joue un rôle dans la continence, la stabilité du tronc, la respiration et même la vocalisation.

Lorsqu’il perd en tonicité ou se retrouve sous pression chronique, les organes qu’il soutient peuvent glisser vers le bas : c’est ce qu’on appelle des prolapsus. Le plus discret de ces signes est souvent une modification de la statique urinaire (besoin urgent, jet urinaire modifié, petites fuites).

Et ce n’est pas juste un problème « local ». Le plancher pelvien est aussi un diaphragme, au même titre que le diaphragme thoracique. Les deux sont liés par la pression intra-abdominale : si l’un perd le rythme, l’autre compense — parfois maladroitement.

Acte 1 (suite) : Et si on donnait un petit coup de main mécanique ?

Quand le plancher pelvien n’arrive plus à faire son job tout seul, il existe un petit outil souvent méconnu mais très utile : le pessaire.
Ce dispositif médical (généralement en silicone) est inséré dans le vagin pour soutenir les organes pelviens et limiter la descente, notamment celle de l’urètre, de la vessie ou de l’utérus. On peut le comparer à une sorte de « soutien-gorge interne », mais pour les organes du bas.

💡 Il en existe plusieurs formes (anneau, cube, donut…) selon le type de descente et la morphologie de la patiente.
Il peut être temporaire (porté dans la journée) ou continu (jour et nuit), selon les besoins.

Le pessaire est particulièrement utile pour retrouver du confort rapidement, mais il ne remplace pas une rééducation de fond. Il sert à soulager la pression, permettre aux muscles de « reprendre leur souffle », et rendre les exercices plus efficaces. Il est aussi parfois utilisé en attendant ou en évitant une chirurgie.


Acte 2 : Quand le bassin bascule, le reste suit

L’antéversion du bassin — c’est-à-dire une bascule vers l’avant — est une posture fréquente chez les personnes qui passent beaucoup de temps assises, portent des talons hauts, ou qui présentent une faiblesse des abdominaux profonds (transverse) et des fessiers.

Quand le bassin bascule :

  • la lordose lombaire s’accentue (dos creusé),

  • la pression abdominale est redirigée vers le bas,

  • le plancher pelvien est constamment en tension passive.

Ce déséquilibre postural gêne aussi la coordination naturelle entre les diaphragmes (thoracique et pelvien). Plancher pelvien = diaphragme pelvien. Quand on l’appelle ainsi, c’est plus simple d’envisager son rôle dans la respiration n’est-ce pas? Or, lorsqu’il y a déséquilibre postural, l’engagement du transverse, muscle profond de l’abdomen, devient inefficace. Résultat : mauvaise gestion des pressions, fatigue musculaire, et augmentation du risque de dysfonction respiratoire (et de fuites urinaires).


Acte 3 : Le diaphragme, chef d’orchestre malmené

Le diaphragme thoracique, muscle principal de la respiration, descend à l’inspiration et crée une dépression dans les poumons. Ce mouvement s’accompagne d’une poussée sur les viscères, qui doit être absorbée par… le plancher pelvien, encore lui.

Mais si la posture empêche le diaphragme de se mobiliser correctement (côtes rigides, dos cambré, cage thoracique figée), la respiration devient superficielle :

  • elle se fait dans le haut du thorax,

  • les muscles accessoires (Sterno-cléido-mastoidiens, scalènes, intercostaux) prennent le relais,

  • la ventilation devient inefficace, plus rapide et plus superficielle.

Ce type de respiration est souvent buccale, surtout chez les enfants ou les adultes stressés. Et ce détail a de lourdes conséquences, notamment sur le sommeil.


Acte 4 : Apnée du sommeil, respiration inefficace et effondrement des structures

L’apnée obstructive du sommeil (AOS), c’est ce moment où les voies aériennes supérieures s’effondrent pendant la nuit. Les causes sont multiples et variées, mais dans mon bureau, ce sont généralement des gens qui ont un patron de respiration superficiel où le diaphragme et le périnée ne sont pas recrutés. Oui, le périnée a son rôle à jouer dans la respiration lorsque cette dernière est basse et détendu.

Quand le diaphragme fonctionne mal, quand la posture gêne la mobilité costale et l’expansion pulmonaire, et quand le plancher pelvien est désorganisé, le patron de respiration est plus superficiel, comme on a moins d’air, on respire plus vite, ce qui dérègle l’équilibre fragile d’O2 et de Co2 dans le sang entraînant stress oxydatif et inflammation chronique.


Conclusion : Un système intégré à réaccorder

Ce que nous montre ce voyage entre urètre, bassin, diaphragme et respiration, c’est que notre corps fonctionne comme un ensemble de pressions, de rythmes et de tensions coordonnées. Rien n’agit en vase clos.
Dès qu’un maillon lâche, c’est tout l’édifice qui s’ajuste — souvent en compensant.

Et la bonne nouvelle ? Ce système peut se rééduquer.

En pratique :

  • Orthophonistes : travail de la posture linguale, du tonus pharyngé, de la respiration nasale fonctionnelle, de la coordination souffle/voix.

  • Kinésithérapeutes et ostéopathes : correction des déséquilibres posturaux (bassin, cage thoracique), mobilité du diaphragme, renforcement du transverse, des fessiers et des muscles du plancher pelvien.

  • Professionnels du sommeil et ORL : détection de la respiration buccale, des troubles ventilatoires nocturnes, des anomalies de déglutition et du tonus lingual.

Et pour chacun d’entre nous : une meilleure conscience corporelle, une respiration plus profonde, nasale, coordonnée… et peut-être quelques exercices de périnée au feu rouge.

Marie-Emmanuelle Marchand, M. Sc., Orthophoniste

Partager cet article :

INSCRIVEZ-VOUS À L’INFOLETTRE POUR NE PAS LA MANQUER!

No Comments

Leave a Reply

Derniers articles

Mon enfant fait (encore) pipi au lit!

Énurésie nocturne et apnée obstructive du sommeil : un lien à ne pas sous-estimer Faire pipi au lit est une étape normale du développement chez les jeunes enfants. Jusqu’à l’âge

Lire la suite »

Ce site utilise des cookies pour améliorer votre expérience de navigation et garantir le bon fonctionnement du site. En continuant à utiliser ce site, vous reconnaissez et acceptez l'utilisation de cookies.

Accepter tout Accepter uniquement les requis