Ah! Les difficultés en compréhension de textes

Ne sont pas rares les appels de parents qui débutent par : «J’appelle parce que mon fils a des problèmes en français, surtout en compréhension de textes». Cette demande n’a rien d’étonnant, mais la teneur du problème observé par le parent est beaucoup plus étendue et complexe qu’elle ne le semble au premier abord.

Comme l’a dit L. Sprenger-Charolles (une sommité dans le domaine de l’apprentissage de la lecture) :

«Pour comprendre ce qu’on lit, il faut avoir maitrisé le décodage, c’est-à-dire les correspondances graphème-phonème (au = o, ph = f…). C’est l’automatisation (quand c’est automatique, c’est facile et rapide) de cette procédure de lecture qui va permettre au débutant de constituer son lexique orthographique (dictionnaire interne où l’on compile comment s’écrivent les mots) et, grâce à cela, de comprendre progressivement ce qu’il lit. Le décodage (au = o, ph = f…) doit donc être enseigné systématiquement (personne ne nait avec la connaissance que ph = f). »

Dans notre système public d’éducation, les méthodes pour enseigner au = o sont sujettes aux modes, comme le sont les pantalons moulants ou à pattes d’éléphant. Pourtant, la recherche démontre que ce qui est efficace, c’est d’enseigner les sons en fonction de leur consistance (à quel point ça fait du sens que ch = k dans «chorale» quand la plupart du temps il fait ch comme dans «chaton») et de fréquence (est-ce qu’on voit ça souvent). De cette manière, on apprendra on = on avant d’apprendre sc = s).

J’en parle ici parce qu’il n’est pas rare que des clients (jeunes et moins jeunes) ignorent plusieurs correspondances grapho-phonémiques (que sc = s, im = in…). Quand ces personnes voient des mots contenant ces groupes de lettres, ils lisent le mot incorrectement, ce qui ne ressemble à aucun mot connu et empêche la compréhension du mot.

Si im = in était la seule correspondance grapho-phonémique du paragraphe à ne pas être comprise, ce ne serait pas si mal, mais c’est rarement le cas. Les mots incompris se multiplient alors et bientôt, la personne réalise qu’elle ne suit plus, qu’elle n’a pas compris ce qu’elle vient de lire. Malheureusement, lorsque cela arrive, les gens peinent à identifier leurs erreurs donc malgré 3 ou même 4 relectures, ils ne comprendront pas plus le texte lu, car ils referont les mêmes erreurs de correspondance.

Je reviens à la compréhension de texte. Dans les paragraphes précédents, je vous présente l’importance de connaitre les sons que font les lettres et groupes de lettres lorsque vient le temps de lire, mais ce n’est que l’étape 1. En effet, avant de travailler la compréhension de texte, je dois m’assurer de l’efficacité :

  1. du décodage au = o
  2. du lexique : encodage des mots et récupération de leur orthographe
  3. de la sémantique : définition, homonymie, synonymie
  4. de la mémoire de travail : retenir l’information assez longtemps pour comprendre ce qui est lu
  5. de la morphologie
    1. flexionnelle : reconnaitre et comprendre que le personnage parle au conditionnel est nécessaire pour savoir qu’il s’agit d’une hypothèse
    1. dérivationnelle : savoir que le préfixe in- veut dire «pas» dans «inflexible»
  6. de la syntaxe : reconnaitre et comprendre différentes formes de phrases.

Seulement ensuite, si le problème persiste (parce qu’à ce point, on a réglé bien des causes potentielles aux difficultés de départ), je travaillerai la compréhension de texte.

Pourront alors être travaillés :

  • la microstructure et la macrostructure
  • la mise à jour du modèle de situation
  • les inférences
  • l’identification des anaphores
  • les marqueurs de texte et marqueurs de relation

C’est le travail de l’orthophoniste d’identifier le problème et de trouver le chemin le plus court pour le corriger. Une évaluation du langage est donc nécessaire pour connaitre la nature et l’étendue du problème afin de s’assurer de prendre le chemin le plus court pour aider le client dans ses difficultés.

En somme, avant de repeindre les murs de votre chambre, je dois m’assurer qu’il y a un sol, un plafond et quatre murs et que toutes ces structures sont solides et à niveau. Ensuite, si la couleur vous dérange encore, on s’attaquera à l’orange vif de vos murs de chambre à coucher.

Marie-Emmanuelle Marchand, M. Sc., Orthophoniste

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