Un trouble respiratoire aux conséquences neurologiques majeures
L’apnée obstructive du sommeil (AOS), longtemps perçue comme un simple problème de ronflement, est aujourd’hui reconnue comme un facteur de risque cardiovasculaire et cérébrovasculaire majeur.
Ses effets répétés d’hypoxie intermittente, d’activation sympathique et de fragmentation du sommeil contribuent à l’inflammation vasculaire, à la dysfonction endothéliale et, ultimement, à une altération du flux sanguin cérébral.
Les données épidémiologiques sont sans équivoque :
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Chez les femmes ayant une AOS non traitée, le risque d’AVC est multiplié par 6,4 comparativement à celles sans apnée (Martínez-García et al., 2014). 
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Les formes sévères d’AOS doublent le risque d’événements vasculaires majeurs (Kendzerska et al., Circ Cardiovasc Outcomes, 2014). 
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Après un AVC, plus d’un patient sur deux présente une AOS, souvent non diagnostiquée avant l’événement — et associée à une récupération plus lente et à un risque accru de récidive (Bravata et al., 2011). 
Chez les femmes, le diagnostic est encore trop souvent manqué : symptômes atypiques (fatigue, insomnie, anxiété plutôt que somnolence et ronflement classique), conduisant à un sous-dépistage systémique malgré un risque vasculaire réel et documenté (Borker et al., 2019).
Le CPAP : efficace mais difficile à tolérer
Le CPAP demeure le traitement de référence pour l’AOS modérée à sévère. Il réduit les événements cardiovasculaires et améliore la récupération post-AVC à condition d’une bonne adhésion (≥ 4 h/nuit).
Or, la réalité clinique est tout autre : jusqu’à la moitié des patients abandonnent ou utilisent mal leur appareil à long terme (Weaver & Grunstein, 2008). Les causes sont multiples : inconfort, fuite d’air, congestion nasale, anxiété, ou intolérance mécanique — des facteurs souvent amplifiés chez les femmes et les personnes post-AVC.
Cas clinique : Marie-Claire, 58 ans
Antécédents familiaux : mère ayant subi un AVC à 65 ans, tante à 72 ans et soeur à 59 ans
Facteurs personnels : hypertension, hypercholestérolémie, surpoids léger, fatigue chronique.
Symptômes : sommeil non réparateur, maux de tête matinaux, concentration difficile.
Après un AVC ischémique mineur, la polysomnographie révèle une AOS modérée (AHI = 24) et un sommeil profond réduit à 35 minutes (pour une nuit de 7-8 hrs, ce devrait être entre 1-2hrs). Le CPAP est prescrit — mais mal toléré : masque inconfortable, oppression, réveils fréquents.
Utilisation moyenne : 2 heures/nuit, bien en deçà du seuil thérapeutique.
Frustrée par le manque d’alternatives, Marie-Claire découvre la rééducation myofonctionnelle orofaciale en faisant des recherches en ligne. Elle apprend que cette rééducation est déjà pratiquée en France et que des exercices oropharyngés peuvent réduire l’AHI de 40 à 60 % chez les patients avec AOS légère à modérée (Guimarães et al., 2009 ; Camacho et al., 2015).
Elle s’inscrit sur une liste d’attente au Québec pour consulter une orthophoniste qui rééduque les fonctions touchées par l’apnée obstructive du sommeil. Après lectures, elle espère une évaluation complète visant entre autres, respiration nasale, tonus lingual, posture de sommeil et rééducation diaphragmatique.
Rééducation myofonctionnelle : une voie de rééducation plutôt que de compensation
La thérapie myofonctionnelle orofaciale (TOM) vise à :
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Restaurer le tonus du voile du palais, de la langue et du pharynx. 
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Réentraîner la respiration nasale et diaphragmatique. 
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Réduire les micro-éveils d’effort respiratoire. 
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Améliorer le sommeil profond et la vigilance diurne. 
Bien qu’elle ne remplace pas le CPAP dans les formes sévères, elle peut s’ajouter au plan de traitement pour augmenter la tolérance à la machine – en réduisant la résistance pharyngée, on n’a pas besoin d’envoyer autant d’air, ce qui rend le port du masque plus tolérable.
Ce cas illustre plusieurs points clés :
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L’AOS est fréquemment sous-diagnostiquée avant un AVC, particulièrement chez les femmes. 
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Un traitement efficace de l’AOS, comme le CPAP, peut réduire le risque d’événements cérébrovasculaires et améliorer la récupération post-AVC, mais la tolérance reste un enjeu majeur. 
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L’évaluation fonctionnelle complémentaire (myofonctionnelle, respiratoire ou posturale) peut optimiser le sommeil et la vigilance, mais ne remplace pas la prévention vasculaire ciblée. 
Conclusion : dépistage et prévention avant tout
L’AOS n’est pas seulement un trouble du sommeil : c’est un facteur de risque neurologique et vasculaire majeur, particulièrement chez les femmes. Dépister systématiquement, individualiser les traitements et assurer l’adhérence aux interventions validées restent les piliers de la prévention de l’AVC. Les stratégies complémentaires, telles que la rééducation myofonctionnelle, peuvent soutenir la récupération et la tolérance au traitement, mais le véritable enjeu demeure la protection cérébrovasculaire.
Références
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Martínez-García, M. Á., et al. (2014). Am J Respir Crit Care Med, 190(7), 950–958. 
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Bravata, D. M., et al. (2011). Sleep Medicine, 12(9), 924–932. 
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Weaver, T. E., & Grunstein, R. R. (2008). Sleep, 31(2), 201–207. 
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Borker, P., et al. (2019). Chest, 155(4), 812–824. 
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Guimarães, K. C., et al. (2009). Am J Respir Crit Care Med, 179(10), 962–966. 
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Camacho, M., et al. (2015). Sleep, 38(5), 669–675. 
Marie-Emmanuelle Marchand, M. Sc., Orthophoniste

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