Quel lien existe-t-il entre sommeil et audition et comment peut-on transposer ces découvertes à la prise en charge de l’apnée obstructive du sommeil?
Selon Chopra et al. (2016), l’apnée obstructive du sommeil (aos) serait associée à une probabilité accrue de 21% de déficience auditive. Mais pourquoi?
Premier accusé, l’inflammation. Puisque la cochlée est fournie par une artère d’extrémité, des changements vasculaires peuvent lui causer des dommages directs (Sidman et al., 1988). Or, il est reconnu que l’hypoxie intermittente en cas d’aos crée de l’inflammation vasculaire, un dysfonctionnement endothélial et de la tension artérielle élevée (Dewan, Nieto et Somers, 2015).
Deuxième accusé, l’hypoxie. Cette dernière peut induire des dommages périphériques au système neural de l’audition périphérique (Mayer et al., 1999; Mihalj et al., 2016). Précisément, la base de la cochlée, codant pour les hautes fréquences, serait plus sensible aux dommages induits par l’aos que l’apex de la cochlée, codant pour les basses fréquences (Lisan et al., 2020; Chopra et al., 2016). C’est certainement pourquoi la perte d’audition des hautes fréquences est plus souvent mise en lien chez les adultes avec aos sévère (Li et al., 2020).
En outre, plusieurs études animales ont trouvé des anomalies cellulaires dans la cochlée de souris qui présentaient de l’hypoxie intermittente. Parmi ces anomalies, la destruction étendue des cellules ciliées externes et internes qui sont les cellules réceptives de l’oreille interne (Seo et al., 2017; Someya et al., 2009).
L’apport de l’orthophoniste dans tout ça? L’hypoxie en contexte d’aos fait suite à un collapsus partiel (hypopnée) ou complet (apnée) des voies aériennes supérieures pendant le sommeil. L’orthophoniste, par le biais de la thérapie myofonctionnelle propose un travail musculaire précis et spécifique qui augmente la tonicité des muscles et réduit les obstructions causées par leur effondrement. Conséquemment, il y a diminution de la sévérité et de la fréquence des épisodes d’apnée/hypopnée, de même que de l’intensité, de la durée et de la fréquence des ronflements.
Maintenant, la thérapie myofonctionnelle, c’est beaucoup plus qu’un travail musculaire. Les maladaptations fonctionnelles causées par l’obstruction des voies aériennes supérieures sont responsables du manque de contrôle moteur de la sphère orofaciale (de Felicio et coll., 2016) et la rééducation orofaciomyofonctionnelle augmente le contrôle moteur altéré chez cette population (AOS) (Avivi-Arber, Martin, Lee et Sessle, 2011; Robbis et coll., 2008).
C’est pourquoi dans un contexte d’AOS l’orthophoniste rééduque les fonctions de mastication, de déglutition et de parole, en plus de celle de respiration. Son efficacité? Cette thérapie réduit de moitié l’indice d’apnée-hypopnée chez l’enfant et chez l’adulte (Camacho et al., 2015; Cooper, 2010; de Felicio et al., 2016; Bandyopadhyay et al., 2020…). Alors la prochaine fois que vous aurez un patient qui ronfle, pensez le référer en orthophonie!
Pour les intéressés, l’autrice de cet article, considérée une référence internationale sur la prise en charge de l’aos en orthophonie, offre de la formation en ligne et publie régulièrement sur le sujet.
Marie-Emmanuelle Marchand, M.Sc., Orthophoniste clinicienne, conférencière et formatrice
No Comments