Les écrans font des petits! – Interaction écran et langage chez les tout petits

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Il n’y a pas si longtemps, la télévision servait de poste d’information, de fenêtre sur le monde. Maintenant, c’est une partie intégrante de nos vies, pour s’informer, oui, mais pour se divertir surtout. À l’instar des bactéries sur les rampes d’escalier, les écrans se multiplient!

Des grosses télés qu’un ménage sur cinq avait les moyens de se payer et qui trônait inerte et éteinte la plupart du temps dans les séjours de nos chaumières (je m’amuse avec les vieux termes ici), nous sommes rendus à des micros écrans sur le poignet (iwatch) et dans nos poches (nos téléphones intelligents nous connectent au monde en tout temps, du bout des doigts), les iPad et autres mini écrans, liseuses et outils électroniques trônent en premier plan sur la commode, le bureau et même la table de nuit! Et je n’ai pas encore abordé le cas de l’ordinateur, qu’on a multiple. Un « portable », un « de table », un vieux qui traîne dans le garage, un plus récent dans la salle familiale… ouf!

L’objectif ici, ce n’est pas de faire la morale, mais de comprendre l’impact des écrans sur nos enfants, sur leur langage, sur les apprentissages et les capacités cognitives qui y sont reliées. Parce que tout ce qu’on fait a un impact et sur les cerveaux en développement de nos enfants, cet impact est encore plus important. Aussi, puisque de s’arrêter là ne serait pas pédagogique, j’aborderai des pistes de solutions pratiques pour favoriser la conciliation télé et famille.

Le livre TV Lobotomie de M. Desmurget fait partie de ces lectures qu’on ne veut pas faire, parce qu’après, on ne peut plus prétendre ignorer. Notez par ailleurs que ce billet s’en inspire largement. On y apprend entre autres, que selon des études récentes, il ne faudrait pas faire regarder de télé aux enfants de moins de 3 ans.

Soufflez parents, on sait que c’est utopique. Maintenant que tout le monde s’est remis à respirer, je poursuis. Assis devant la télévision, l’enfant n’est pas acteur de son développement, il est passif. La télévision favorise la passivité et le repli.

Or, le processus d’apprentissage nécessite une exploration, un mouvement vers l’extérieur, une prise de risque. Devant son écran, l’enfant s’isole du monde plutôt qu’il y participe.

Télé et interaction sociale

Lorsqu’il est devant la télé, il n’est pas en interaction avec l’autre, il ne construit pas sa pragmatique (règles régissant les échanges communicationnels), ne construit pas sa vie sociale (ex. : aller vers l’autre, sélectionner l’information pertinente à partager…). Par exemple, si l’enfant joue à la dinette avec son frère ou un ami, il devra accepter la part de l’imaginaire de l’autre, construire des règles, apprendre tour à tour à les trépasser et à les respecter, modérer ses ardeurs, inclure l’autre dans son jeu, utiliser des objets de la vie courante, prévoir le cours des évènements, anticiper une réaction, moduler ses émotions, prévoir des échanges verbaux, anticiper le dénouement d’une situation, élaborer des solutions… C’est presque infini!

Ces moments d’échange sont si riches d’enseignements. Même lorsqu’il y a conflit, il y a matière à apprendre. Se confronter à ses pairs et une manière d’apprendre à exister dans le monde, à revendiquer sa place, à négocier ce que nous sommes prêts à accepter ou non, d’apprendre à gérer les situations tendues, à s’affirmer, à gérer nos propres débordements dans le contexte sécuritaire/rassurant de la maison. La télévision, même éducative, limite ces interactions bénéfiques et constructrices.

Astuce : Écoutez le programme avec l’enfant et discutez de ce que vous voyez, susciter des échanges en fonction des expériences de l’enfant, de ses intérêts et réactions à ce qu’il regarde. Si vous ne regardez pas le programme avec lui, demandez-lui ensuite « Qu’est-ce qui est arrivé à Fraisinette aujourd’hui? » et d’autres questions d’élaboration en fonction de ses réponses. Vous enrichirez son activité d’une interaction bénéfique pour ses habiletés sociales, mais aussi pour l’élaboration de sa pensée et de son langage.

Télé et attention/concentration

L’attention nécessaire aux apprentissages est dirigée alors que celle requise pour demeurer assis devant la télé est « captée ». En captant l’attention de notre enfant, celui-ci n’a pas à la diriger et ne prend pas l’habitude de diriger son attention et ignorer les distractions.

Astuce : Pourquoi ne pas commencer la journée en lui demandant de raconter son rêve, de planifier sa journée avec vous, de vous aider à préparer les lunchs, d’aller observer le temps qu’il fait et de vous le décrire ensuite.

Télé, sommeil et mémoire 

La télé projette de l’éclairage et notre cerveau n’y est pas habitué. Il prendra la télé pour le soleil et résistera à l’appel de Morphée en vous gardant éveillé. C’est un dérèglement de l’horloge circadienne (celle qui est responsable de vous dire qu’il est temps de se coucher, de manger ou de se lever); c’est l’horloge interne de notre corps. L’exposition à la lumière des écrans avant le coucher affecterait le rythme veille/sommeil en modifiant la sécrétion de mélatonine (hormone qui facilite l’endormissement). Or, la qualité et la quantité de sommeil sont des éléments déterminants pour l’apprentissage, la croissance, la régénération, l’attention, la mémoire et j’en passe! Le sommeil aurait donc une influence aussi bien sur la capacité à acquérir de nouvelles connaissances qu’à en mémoriser de nouvelles. Pour ceux et celles qui pensent que je « charrie », pensez un peu à quand vous êtes fatigués, à comment vos mots se mélangent, à comment vous semblez oublier des choses, manquer de concentration, manquer d’efficacité. Pour les enfants, c’est non seulement pareil, mais c’est pire encore parce qu’un enfant a besoin de plus de sommeil qu’un adulte. Le manque de sommeil est donc encore plus marqué chez eux, allez imaginer ça!

Astuce : L’enfant (comme nous) peut avoir besoin d’un moment calme pour se « reposer »  de sa journée. Faites-lui la lecture, laissez-le se détendre au son de vos mots. Si vous manquez de temps, il existe des livres audios (demandez à la bibliothécaire de votre bibliothèque municipale préférée ou consultez le site de la bibliothèque nationale pour plein de livres audios). Attention, pas de livres électroniques là, parce que ça aussi c’est un écran!

En terminant, je ne peux ici passer sous silence l’article Trop de télévision en bas âge réduirait les habiletés des enfants à l’école du fameux site Naître et Grandir (l’image de cet article en est tirée). Les résultats d’une étude montréalaise y sont présentés. Les résultats indiquent que 3 heures ou plus de télévision par jour serait associé, en maternelle, à un vocabulaire plus restreint, des compétences en mathématiques et des aptitudes physiques de même qu’une participation en classe plus faibles que la moyenne. Puisque les capacités à la maternelle sont de bonnes indicatrices du succès scolaire de l’enfant dans les années à venir, il est raisonnable de croire en un impact à long terme.

En conclusion, je souhaiterais que le lecteur de ce billet prenne un élément ou deux parmi mes suggestions et essaie de les inclure dans son quotidien. J’espère que ces conseils s’ils vous paraissent pertinents feront leur bout de chemin jusque dans le quotidien de vos enfants de temps en temps. Merci de votre intérêt, et à une prochaine fois!

Marie-Emmanuelle Marchand, M. Sc., orthophoniste

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